Pendant des décennies, le Parti du Mouvement Populaire a constitué l’un des piliers traditionnels du paysage politique marocain, Il s’est distingué par un discours équilibré et par sa capacité à contribuer à une politique de consensus, en défense de l’identité rurale et des intérêts des classes sociales moyennes et défavorisées. La direction de son fondateur, Mahjoubi Aherdane, a marqué une étape déterminante de l’histoire du parti, en ancrant une pratique politique sérieuse et fondée sur la recherche du compromis dans les relations avec les différents acteurs politiques.
Cette orientation s’est poursuivie avec Mohand Laenser, qui incarnait l’image d’un « homme d’État » posé, sachant concilier son attachement aux convictions du Mouvement avec les exigences de la gestion des alliances gouvernementales, avec sagesse et sens de responsabilité, durant de nombreuses années. À cette période, le discours politique du parti se caractérisait par sa sobriété et son objectivité, et se tenait à distance du langage de tension adopté par certains acteurs de la scène nationale.
Cependant, le paysage a évolué ces dernières années, notamment avec l’arrivée d’une nouvelle direction adoptant un style plus provocateur dans son discours politique. L’actuel secrétaire général, Mohammed Ouzzine, a à plusieurs reprises privilégié un langage d’attaque directe envers ses adversaires, qu’ils soient au sein de la majorité gouvernementale ou issus du monde des médias et des intellectuels. Cette posture a suscité une large controverse, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti.
À plusieurs occasions, le dirigeant en question a lancé des attaques remarquées contre des institutions clés, telles que le Conseil national de la presse, qualifiant la situation de « catastrophe morale » dans une publication qui a provoqué de vives réactions. Le ton s’est encore durci lors de polémiques avec des acteurs médiatiques de premier plan, Allant jusqu’à des accusations visant le directeur général d’une institution médiatique connue, ce qui a conduit certaines sections du parti à publier des communiqués de dénonciation de ce qu’elles ont qualifié de « campagne de diffamation systématique ».
Cette évolution du discours ne peut être dissociée de certaines pratiques politiques actuelles, qui semblent parfois davantage relever de la démonstration de force ou de la liquidation médiatique. Le discours actuel du parti laisse transparaître une forte inclination vers une dynamique offensive à l’encontre des médias et des adversaires politiques, au détriment d’un dialogue apaisé et constructif. Cela soulève une question majeure : la priorité est-elle désormais donnée au populisme et à la mise en scène, plutôt qu’à la construction d’un projet politique cohérent ?
Si la critique politique constitue un élément sain de toute démocratie, le glissement vers un discours d’attaque contre les médias et les professionnels de la presse suscite des inquiétudes quant aux limites de la liberté d’expression et au respect des institutions médiatiques, lesquelles font partie intégrante du paysage démocratique. Une critique constructive des médias doit s’appuyer sur des faits et des arguments objectifs, et non sur un langage de provocation ou de dénigrement.
Cette dynamique récente au sein du Mouvement Populaire amène de nombreux observateurs et analystes à s’interroger sur l’avenir du parti et sur son rôle réel dans la vie politique, notamment en ce qui concerne la préservation de l’héritage historique du « Zaïgh » et de ses principes fondateurs. La persistance de ce type de discours risque d’éroder la confiance de la base traditionnelle du parti et d’affaiblir sa position en tant qu’acteur politique influent, à un moment où la phase à venir exige des visions claires et des programmes concrets bien plus que des slogans spectaculaires.
La question centrale demeure : comment un parti porteur d’un lourd héritage historique peut-il rectifier sa trajectoire et retrouver sa place en tant qu’acteur politique responsable ? Et dans quelle mesure est-il capable de concilier la critique des pratiques politiques actuelles avec le respect des institutions fondamentales, dont les médias, afin de renforcer le pluralisme et une démocratie authentique ?
